« Le monde est mystère insondable. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Où ai-je foutu cette putain de pince que je cherche depuis 25 minutes ? Le monde est mystère insondable, et ce n’est pas nouveau. Prenez les anciens ; ils n’étaient pas en reste niveau mystère. Comment a-t-on construit les pyramides ? L’Atlantide a-t-elle jamais existé ? Je vous en pose, moi, des questions ? »
NON, MERCI, CA VA ALLER.
Topito doit trôner en bonne place au panthéon des sites de merde que l’on consulte en attendant que l’horloge du bureau veuille bien afficher l’heure de rentrer chez soi, pour s’affaler sur son canapé comme un morse neurasthénique sur son dernier bout de banquise pas encore fondu.
S’ils ont su me faire souffler du nez deux ou trois fois malgré le grand bain quotidien que je prends dans ma piscine d’aigreur, ils ne se privent pourtant pas de colporter à l’occasion certaines des crétineries que les pyramidiots répandent autour d’eux comme on transmet la peste.
Alors attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ce n’est quand même pas une filiale de Pouillard Industries ou de Leplat Corp. Mais ce Top 10 des plus grands mystères de l’Antiquité, ceux qui durent depuis super longtemps, intitulé ainsi parce que c’est devenu tendance d’écrire ses titres comme un enfant de cinq ans, c’est un bon exemple des clichés historiques les plus récalcitrants qui peuvent circuler tous les jours dans les tuyaux de la fibre optique, sans qu’il soit besoin de multiplier le demi-périmètre par la largeur de la hauteur au carré d’une pyramide pour épater les bouffons.
Un top 10, donc, et qu’est-ce qu’il dit ? Eh bien, il résume les « plus grands mystères de l’Antiquité« , à savoir et dans cet ordre :
- L’âge du Sphinx de Gizeh.
« On estime généralement le Sphinx a 4500 ans, MAIS« , et c’est là le début des idioties : ouiiii, « on a aucune preuve« , « il n’existe aucun écrit à même de corroborer cette datation« , et même que « un égyptologue s’est également étonné de voir que l’érosion verticale à la base du sphinx s’apparente à des marques laissées par la pluie » (je vous laisse deviner qui c’est, vous avez probablement deviné), et bla bla bla. Aucune source n’est citée évidemment, parce que c’est du bon putaclic élevé sous la mère.
- Les géoglyphes de Nazca.
Les célèbres lignes tracées dans le désert rocailleux de Nazca, « on ignore à quelle civilisation les attribuer« , « les lignes sont parfaitement parallèles, ce qui interroge aussi les outils utilisés pour les tracer« , et donc, « c’est incompréhensible« .
- Des découvertes égyptiennes dans le Grand Canyon.
Un mystère qui remonte au début du siècle dernier, lorsqu’un type revient d’une balade du côté du Grand Canyon et rapporte dans les colonnes de la Gazette de l’Arizona qu’il a découvert des ruines égyptiennes (carrément) : tablettes, statues, momies, outils, bref, l’intégrale. En plus, « l’article semblait suffisamment scientifique pour donner le change, et les financements de l’expédition paraissaient sérieux« . Ah.
- La signification du calendrier maya.
Très simple : vous vous souvenez de la « panique » relative au 21 décembre 2012 ? Eh bien, on ne sait pas ce qui devait s’y passer, ni pourquoi ce calendrier n’a pas été poursuivi. Et donc, le mystère est présent.
- L’Atlantide.
Bon. Suivant.
- Une ville enfouie au large de Cuba.
« Une mission qui menait des fouilles sous-marines dans les eaux territoriales cubaines a mis à jour en mai 2001 l’existence de pierres anciennes dont la disposition rappelait celle d’une ville immergée« . Des « missions » supplémentaires ont été envoyées sur place, enfin sous la place en l’occurrence, et depuis, on cherche, car cela devrait être les ruines d’un « grand centre urbain« , sauf que « on n’en sait rien« .
- Les lampes éternelles des Égyptiens.
Alors là, c’est un gros gloubi-boulga de plusieurs lubies de pseudo-archéologie : d’un côté, « les égyptiens ils avaient pas de lampes et les torches ça dégueulasse le plafond à cause de la suie, alors comment ils ont fait pour bosser dans les tombeaux ???« , et de l’autre, le coup des fameuses ampoules 12 watts représentées sur des bas-reliefs restés célèbres. On va y revenir. L’auteur en rajoute même en disant qu’il y a « des descriptions de lampes éternelles dans la littérature antique et même dans la Bible » (c’est vous dire la véracité du truc).
- Les ruines sous-marines au large du Japon.
Des structures étranges, découvertes au large d’Okinawa, dont une « gigantesque arche » qui s’apparente aux constructions incas -vu que c’est en pierre et que les incas construisaient en pierre, suivez un peu-. Certains y auraient vu la présence du continent légendaire de Mu, qui en fait n’était pas bien loin, il suffisait de plonger à vingt mètres de la côte du Japon.
- Mu.
L’Atlantide, mais en version contrefaite et dans le Pacifique. Notez que l’auteur de ce top n’a tellement rien à citer comme sources pour cette histoire qu’il est contraint de caler le nom d’Hugo Pratt, l’auteur de Corto Maltese, qui s’est servi du mythe.
- Et la tombe mystérieuse d’Amphipolis.
Probablement ce qu’il y a de plus sérieux dans ce top : une tombe macédonienne découverte en 2012, au moins noble et probablement royale, qui s’est vite démarquée au vu du soin apporté aux ornements architecturaux et à son mobilier funéraire. Mais, comme on ignore qui c’est, c’est là que le doute survient.
Et du coup, qu’est-ce qui ne va pas là-dedans ?
Outre le fait que c’est du contenu prémâché et recyclé jusqu’à l’os pour être spammé dans la boîte mail de gens qui n’y connaissent probablement rien et qui vont donc être induits en erreur, le problème, c’est que ce genre d’article ne fait que perpétuer des clichés grossiers.
Admettons que l’histoire et l’archéologie restent plus romantiques quand on leur laisse leur part de mystères, mais si ce n’est que ça, je pense qu’on pouvait faire ce genre de top avec de réelles interrogations. Au hasard, citons la traduction du Linéaire B, langue qui reste impénétrable aux efforts des plus brillants linguistes ; où encore, l’emplacement des tombeaux d’Alexandre le Grand ou d’Attila le Hun, qui sont toujours inconnus, dans le premier cas parce que son convoi funéraire a été détourné avant de revenir en Grèce, et le second parce qu’à l’instar de Genghis Khan, sa garde aurait fait creuser sa tombe quelque part avant d’en massacrer tous les terrassiers, histoire d’être certains que personne ne saurait où chercher.
Mais alors, qu’est-ce que dit réellement la recherche scientifique, à part qu’elle n’a pas attendu qu’on écrive des tops nuls à chier pour commencer à creuser le sujet ?
- l’âge du Sphinx de Gizeh.
Je crois avoir déjà rapidement évoqué le sujet dans mon débunk de BAM ou LRDP, mais il va de soi que, non, il n’y a pas un tel mystère avec le grand sphinx qui veille depuis presque 5000 ans sur les tombeaux de la IVe dynastie. Contrairement à ce qu’il dit, on a au contraire des preuves suffisamment solides pour attribuer ce monument à cette dynastie, comme c’est expliqué ici par Rainer Stadelmann, notamment par la comparaison des assises de pierre du sphinx et des premières assises de la pyramide de Khéops, qui présentent les mêmes caractéristiques d’érosion; ainsi que par un rapprochement du style de la sculpture, qui s’apparente aux œuvres de la même période. Il est très probable que le Sphinx aie été édifié à cet endroit parce que toute cette zone du plateau de Gizeh était utilisée comme carrière, sous le règne de Khéops.
Du reste, l’égyptologue dont il est fait mention, c’est Robert Schoch, qui n’est pas DU TOUT égyptologue et qui fait une fixette sur l’érosion visible sur la roche du Sphinx, oubliant que l’Égypte, ça n’est pas seulement du sable et des touristes en sueurs, c’est aussi ça :
- Les géoglyphes de Nazca.
Vous les connaissez, j’en ai déjà abondamment parlé ici, donc on va faire ça rapidement : on sait très bien à quelle civilisation les attribuer , la culture de Nazca.
D’après les travaux qui ont été réalisés pour étudier ces structures, je rappelle donc qu’elles faisaient donc partie de rituels rendus par les populations locales pour faire appel à la pluie pour irriguer les sols. Leur tracé n’a rien non plus de mystérieux, car il suffisait d’en déplacer les pierres, et tracer une ligne droite peut se faire avec de simples cordeaux tout bêtes.
- Des découvertes égyptiennes dans le Grand Canyon :
Alors ça, c’est complètement dingue ! Rendez-vous compte, des ruines inviolées égyptiennes ! Et là où on ne les attendait pas, en plus : il y a quand même ONZE MILLE KILOMÈTRES de distance entre le Grand Canyon et la plus proche agglomération de l’ancienne Égypte, et a condition de faire le trajet à vol d’oiseau.
Mais comment ça se fait qu’on a pas essayé d’étudier le sujet ? Eh bien, il y a comme qui dirait un léger problème : l’histoire de cette « découverte » a effectivement fait l’objet d’un article dans le numéro du 5 avril 1909 de l’Arizona Gazette, mais ça n’a jamais donné suite.
Et pour cause : le mec qui est censé avoir fait cette découverte, un certain Kincaïd, n’a jamais existé. Comme c’est expliqué dans cet article de Skeptoïd, ce petit article avait été écrit anonymement pour remplir les pages du numéro en question de ce journal; comme c’était courant à l’époque. Le Smithsonian Institute, qui était censé avoir employé Kincaïd pendant trente ans, a d’ailleurs plusieurs fois répondu aux questions des complotistes américains en répétant que non, ils n’avaient pas la moindre trace d’un tel employé dans leurs archives et surtout pas un seul dessin, pas une photo, pas le moindre artefact qui aurait été rapporté de ce site découvert dans le Grand Canyon.
Mais comme les complotistes sont toujours plus persuadés d’avoir raison quand on leur dit qu’ils ont tort, ça ne les empêche pas de fantasmer sur le sujet depuis, arguant que la zone est depuis interdite et gardée par le gouvernement/la CIA/le FBI, parce que vous pensez bien qu’une momie desséchée et trois hiéroglyphes constituent une menace de premier plan pour la sécurité nationale américaine. Plus drôle encore, il y en a même qui en viennent à pondre ce genre de trucs, comme quoi Quentin Leplat n’est pas le seul au monde a avoir des attirances sexuelles cheloues envers sa calculatrice et ses cartes du ciel :

- La signification du calendrier maya.
Qu’est-ce qui devait se passer le 22 décembre 2012, selon les Mayas ? Contrairement au film, la seule apocalypse aurait été l’étendue de la gueule de bois qu’ils se seraient payés. Parce que le fameux calendrier maya et sa date de fin ont souffert de deux mensonges à leur sujet : d’abord, il ne prédisait absolument pas de cataclysme à son terme, et ensuite, il ne faisait que recommencer pour l’ère suivante le lendemain matin; exactement comme nous autres l’avons fait le soir du 31 décembre 1999.
Le calendrier maya était en effet très au point et comportait un calendrier « civil » et un calendrier « rituel »; et possédait aussi un système adjoint pour comptabiliser les ères plus longues, avec des séries de cinq chiffres. A l’époque, certains scientifiques ont bien tenté de stopper la panique en rappelant ce que je viens de dire, mais tout le monde s’en foutait.
- L’Atlantide.
Râââh. C’est la STAR des mystères à deux balles, celui qui revient souvent et j’en ai, là aussi, parlé longuement ici : le conte de l’Atlantide n’est absolument PAS un récit de voyage, c’est un MYTHE inventé par Platon, qui aurait mieux fait de se péter une jambe plutôt que d’écrire ce truc, vu que 2500 ans plus tard, beaucoup restent incapables de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un récit mais d’une métaphore permettant à l’auteur grec de décrire la cité idéale, telle qu’il l’a théorisée dans son oeuvre : parfaite, géométrique, égale, rutilante et exemplaire, une ville où la vertu est monnaie courante. Bref, tout l’inverse d’Athènes de son vivant, parce que déjà à l’époque de Platon, le discours du « gneugneu c’était mieux avant ! » était bien commode pour se plaindre.
Et évidemment, question preuves concrètes, on les cherche toujours, vu que les fonds océaniques sont cartographiés depuis des décennies et qu’on y cherche toujours la moindre trace d’un continent aussi énorme qui y aurait disparu par magie.
- Une ville enfouie au large de Cuba.
Difficile de trouver de quoi il parle, car aucun nom n’est cité ici, aucun lieu, et même pas le nom de la personne qui aurait rapporté la présence de cette cité engloutie.
En cherchant un peu, il s’avère qu’il est question ici de ruines supposément découvertes au large de Pinar del Río, à Cuba par deux parfaits inconnus nommés Pauline Zalitzki et Paul Weinzweig, découverte dont vous voyez la seule photo ci-contre et très probablement bidonnée jusqu’à l’os. Ça n’est pas la première fois que des « ruines » antiques sont découvertes dans la région, comme j’en parlais ici avec l’affaire du mur préhistorique des Bahamas.
Les complotistes se sont refilés cette histoire autant qu’ils le pouvaient, et il est difficile de creuser le sujet car il n’existe aucune autre photo que celle-ci, et que personne n’a pris la peine d’aller y retourner. Bref, c’est très flou et c’est très probablement n’importe quoi, comme d’habitude.
- Les lampes éternelles des Égyptiens.
Et gnégnégné, comment c’est possible de bosser sans lumière alors que les torches en os de mammouth devaient noircir le plafond ?!
Alors déjà, les « descriptions de lampes éternelles » qu’on est censé trouver par paquet de douze dans la littérature antique, on les cherche encore. Ensuite, il parle là des ampoules de Denderah, dont j’avais parlé il y a longtemps, et qui ne sont absolument pas des ampoules électriques mais un cas de paréidolie aggravée, et plus concrètement un mythe de création du monde par le dieu Harsomtous via un lotus sacré.
Et enfin, le coup de la suie qui rend impossible le travail en intérieur, c’est complètement idiot, parce que ça ne marche qu’à condition de ramener d’énormes torches et de les tenir à trente centimètres du plafond. Quand on est un peintre égyptien et qu’on a plus de deux neurones, on utilise ça :
Les lampes à huile, ça existe depuis la nuit des temps et ça permet de bosser dans une pénombre relative, mais en apportant suffisamment de clarté pour ne pas rater le profil du pharaon. Et surtout, à moins de l’avoir remplie de kérosène, ça ne dégage pas une telle quantité de suie !
- Les ruines sous-marines au large du japon.
« ouiii, c’est probablement construit par l’Homme » : NON. Il parle là des structures de Yonaguni, au Japon.
Très, très célèbres dans le milieu et interprétées régulièrement comme des… je sais pas, un genre d’escalier géant ? Pour aller où ? Enfin, en tout cas ça devait appartenir au continent de Mu ou à [insérer le nom d’une civilisation disparue]. Sauf qu’en réalité le phénomène est monnaie courante dans le coin, parce que vous n’ignorez pas que le Japon est situé sur une faille volcanique, raison pour laquelle ils se mangent régulièrement des séismes. Entre autres conséquences, cela fait que le substrat rocheux de grès sur lequel est situé l’archipel nippon se fait fracturer régulièrement par les secousses.
L’explication est donc là, et on attends toujours que la montagne de fous furieux qui ont entretemps décrété que les populations d’anciens bâtisseurs avaient terraformé les côtes pour faire ces formations rocheuses, prouvent ce qu’ils avancent.
- Mu.
Comme je le disais en débunkant cet immonde Bâtisseurs de l’Ancien Monde, le continent de Mu, c’est encore plus bas du front que l’histoire de l’Atlantide : c’est une invention de A à Z de la part du britannique James Churchward, qui a écrit un bouquin sur le sujet, et qui s’est soudainement transformé en courant d’air quand son histoire a eu un succès littéraire et qu’on lui a demandé où étaient les fameuses tablettes indiennes et maya évoquant ce continent.
Mais ce n’est probablement qu’un hasard malencontreux, le pauvre. Enfin, toujours est-il que comme pour l’Atlantide, il n’y a rien de tel dans les fonds océaniques du Pacifique.
- La tombe mystérieuse d’Amphipolis.
Il faudra me dire en quoi cette tombe est plus mystérieuse qu’une autre, parce qu’ignorer le nom de celui ou celle qui s’y trouve, c’est le cas tout le temps. Ça sent donc le remplissage à l’arrache après avoir tapé mystère antiquité tombeau sur Google, mais passons : la tombe d’Amphipolis a été découverte en 2012 et depuis, on a appris pas mal de choses, notamment qu’elle aurait été destinée à un des généraux d’Alexandre le Grand, Hephaestion, mort de maladie au cours de la conquête macédonienne.
La datation de l’édifice a pu être corroborée grâce à une monnaie trouvée dans le mobilier de la tombe et datée du règne du conquérant grec.
Voilà tout !
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Bibliographie:
- STADELMANN Rainer, Le grand Sphinx de Giza, chef-d’œuvre du règne de Chéops, Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1999.
- DUNNING Brian, Apocalypse 2012, Skeptoïd.
bon comme j’aime bien pinailler … ^ç^
une pièce de monnaie ne prouve rien en soi: si je me fais enterrer avec un sesterce gallo-romain ça ne fait pas de moi un contemporain de l’Empire Romain
en fait c’est la tournure de la phrase qui me gêne car c’est ce genre de tournure qui fait dire aux comploteux que « mais si j’ai raison » genre avec le marteau de London (USA pas la capitale britannique)
et pour le calendrier maya il me semblait (mais je peux me tromper) qu’il finissait bien par un truc pas cool (comme les précédents)en mode eschatologique classique mais qu’effectivement il recommençait après
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