Pouvais-je passer à côté de La Révélation des Pyramides ? Non.
Ce « documentaire » est devenu en quelques années le point de passage obligé de tout débunkage qui se respecte, étant donné qu’il entasse en plus d’une heure et demie un record d’âneries, de mensonges, de faux arguments et de raccourcis. Un véritable chef-d’œuvre du genre et l’exemple parfait de tout ce que vous devez absolument fuir si vous vous intéressez à l’Égypte ancienne.
Je vais donc épeler minutieusement ce film et relever tout ce qui ne va pas à l’intérieur, en tentant de ne rien omettre. Allez chercher un café, parce que ça va être long.
(Si un texte est surligné, cliquez dessus, c’est un lien)
00 :50 « Comme tout le monde, je pensais que tout avait été dit concernant la Grande Pyramide de Gizeh, jusqu’au jour où j’ai découvert que des faits inexpliqués restaient ignorés par l’égyptologie. Alors j’ai enquêté, sans aprioris ni préjugés. »
Vous êtes témoins. La narratrice se fait donc un devoir d’enquêter, sans aprioris ni préjugés. Retenez bien cette phrase, elle aura son importance. En tout cas, l’ambiance est posée : « l’égyptologie » (apparemment, c’est un terme générique) ignore délibérément des « faits inexpliqués« . Ajoutons à ça que « Tout ce qui va suivre repose sur des faits » (1 :21).
Rien à craindre, donc, non ? Puisqu’on nous promet que tout va reposer sur des faits, donc que ça sera argumenté, qu’il n’y aura pas de jugements hâtifs ni d’approximations.
Ah quand même, rien que ça. Nous n’en sommes qu’à l’introduction, et le documentaire a déjà enchaîné plusieurs écrans de ce genre, débordant d’humilité et de modestie (« L’enquête qui change le monde », « une incroyable chasse au trésor »). La narratrice, que nous appellerons Sylvie, en rajoute des caisses pendant toute l’introduction, présentant son travail comme une quête de vérité qui l’a menée aux confins de notre planète, pour trouver la réponse au sens de la vie et gnégnégné. Ok, jusqu’ici, c’est un tantinet grandiloquent, mais ne commençons pas à râler, c’est de la mise en scène toute bête pour faire monter la sauce.
J’ai néanmoins un peu de mal quand elle annonce tout de go que « pour la première fois au monde, vous allez être les témoins directs d’une découverte majeure » (2 :10).
Ooook. Ok, je veux bien, Sylvie. Mais va falloir assurer le spectacle derrière, parce que là, tu aurais découvert le Graal ou la fontaine de jouvence que le vocabulaire ne serait pas moins grandiloquent.
« Nous allons entreprendre ensemble un très grand voyage dans lequel je vais sérieusement mettre à mal l’histoire de l’Égypte ancienne telle qu’on nous la raconte habituellement. Connaissant maintenant bien le sujet, je sais à quel point il est sensible et dérange souvent ce que l’on croit être vrai » (2 :30).
Stop, stop, stop. Sylvie, ça ne fait pas trois minutes que le documentaire a commencé, tu n’as même pas encore commencé à construire ton argumentation, et déjà, tu fais un saut de l’ange dans la piscine du syndrome de la victime.
Et là, on touche au premier symptôme du cancer qui gangrène ce milieu : la victimisation. C’est une posture extrêmement récurrente chez les pyramidiots, qui a pour intérêt de se rendre intéressant en se présentant comme une victime du complot, ou un perturbateur d’on ne sait quelle vérité établie. Laquelle ? Ça n’est jamais dit. Et on s’en cogne, parce que le décor est déjà planté : LRDP va « bouleverser l’ordre établi » et se trouve traqué par un ennemi invisible. Sauf que quand le narrateur commence déjà à se défendre avant même d’avoir expliqué où il veut en venir, vous conviendrez qu’il flotte dans l’air un léger fumet de biais de raisonnement, comme s’il savait qu’il allait se faire défoncer parce qu’il raconte n’importe quoi. Mais passons.
A 3:09, commence l’argumentation concrète, avec un nouveau narrateur et l’annonce d’une liste de huit «prouesses accomplies par les bâtisseurs de la Grande Pyramide, constat qui fut le point de départ de ce film ».
Allons-y pour la liste.
1/ « Avant de construire la Grande Pyramide, les bâtisseurs ont rasé une colline et laissé un pivot au centre, autour duquel ils ont sculpté la roche pour y encastrer ces blocs de dallage aux formes étranges pesant chacun le poids d’une grosse berline, sur une surface de 60 000 m². En général les théories de construction négligent ce premier chantier, pourtant colossal »
Que les auteurs de LRDP ne soient pas des experts de la question des pyramides et même de l’Égypte ancienne, ça, on l’avait déjà vu venir.
En revanche, leur premier point laisse apparaître qu’ils ne sont pas super calés non plus en terme d’architecture, vu qu’ils ont l’air de tomber des nues en découvrant qu’il est préférable de construire des FONDATIONS avant de vouloir construire un bâtiment dessus, qu’il s’agisse d’une pyramide ou d’un HLM pourrave, parce qu’effectivement, si vous cherchez à construire l’Empire State Building directement sur un marais ou la dune du Pilat, ça risque fort de se casser la gueule pendant l’inauguration !
Ils classent donc ça d’office dans la catégorie des « prouesses ». Effectivement, les Égyptiens ont accompli une prouesse en préférant bâtir le tombeau de pharaon sur une base stable plutôt que sur un plateau rocheux inégal et plein de sable.
Ah, et puis les « blocs de dallage aux formes étranges » ?
…la fameuse forme étrange du… rectangle ? Qu’est-ce qu’il faut voir d’étrange, là?
2/ 3 :40 « les bâtisseurs ont transporté sur 900 kilomètres 130 dalles de granit de 12 à 70 tonnes chacune et les ont hissées jusqu’à 70 mètres au-dessus du sol, chose qui serait encore difficilement réalisable actuellement »
Tellement d’idioties en seulement trois petites lignes. Par où commencer ? Si, je sais : même de nos jours on peut pas faire la même chose !
Patrice, rien que ça, c’est stupide à s’en cogner la tête contre les murs. Parce que non seulement c’est parfaitement réalisable actuellement, mais on a même fait beaucoup mieux, cf. les grues mobiles de chantiers qui peuvent soulever jusqu’à 180 tonnes de charge à 99 mètres de hauteur (et je ne parle pas des grues fixes qui font évidemment mieux que ça la main dans le dos).
Ensuite, il ment par omission avec sa petite carte de l’Égypte ancienne, en laissant sous-entendre que les Égyptiens se sont tapé le transport des blocs en question en les tirants à travers les 900 kilomètres de désert.
C’est là encore une volonté délibérée de prendre les anciens Égyptiens pour des attardés que de leur attribuer une tâche aussi pénible pour faire du sensationnel, alors que l’on sait parfaitement qu’ils savaient ce que c’était que le transport fluvial, et qu’ils se servaient du Nil pour transporter les matériaux en question par bateau, tout simplement.
Et histoire de renforcer le côté ébouriffant de la « prouesse » en question, Patrice omet joyeusement de préciser d’où viennent les autres milliers de blocs composant la Grande Pyramide, à savoir de la carrière située juste au pied du plateau !
3/ 3:53 « La Grande Pyramide ne comporte que trois chambres, ridiculement petites au regard des dimensions de l’édifice […] ils ont réalisé un couloir large d’un mètre s’enfonçant dans la maçonnerie avec une précision stupéfiante […] ce qui surprend Pier Luigi Copat, architecte ayant participé à la construction de la Potdzdammer Platz de Berlin »
Ils disaient quoi il y a deux minutes… sans aprioris, c’est ça ? Il n’aura pas fait long feu, leur serment. « Seulement trois chambres ridiculement petites vu l’édifice », c’est quoi ça, sinon un gros apriori bien gras qui tache? Parce que concrètement, tout ce que cette phrase exprime c’est que selon eux l’édifice est trop grand pour n’y mettre que trois chambres, le « selon eux » n’étant visiblement qu’une impression.
Patrice, une pyramide c’est un tombeau, pas un hôtel Kyriad. Pourquoi est-ce qu’il devrait y avoir 250 chambres à l’intérieur plutôt que trois ? Et pourquoi est-ce que leurs dimensions devraient être proportionnelles à la taille de la pyramide ? Ça ne veut rien dire !
Ensuite, en quoi est-ce « stupéfiant » de réaliser un couloir rectiligne dans cette pyramide ? Un mur droit, ça se trace en tendant une corde entre deux piquets, t’as pas besoin d’appeler les hommes-lézards pour ça.
Cela dit, dans cette séquence le narrateur a l’air surtout préoccupé par les dimensions, en apparence beaucoup trop petites, dudit couloir, arguant que « juste un peu plus d’un mètre de large, y’a pas la place pour s’y déplacer et y bosser ! ». Sauf que si les auteurs de ce film avaient un tant soit peu travaillé sur la question, ils se seraient rendu compte que le couloir en question est au contraire particulièrement spacieux : les galeries de mines antiques et médiévales sont encore plus étroites que ça, allant de 60 à 90 centimètres de large seulement:
Ci-contre vous avez un exemple avec un boyau des mines de Riverenert (dans l’Ariège), exploitées depuis le Ier siècle avant J.-C.
C’est très exigu certes, mais c’est suffisant pour y travailler. Là encore, leur raisonnement part dans le mur parce que basé sur de gros a-priori bien gras : pourquoi est-ce que les anciens Égyptiens auraient dû s’emmerder à bâtir une autoroute à la place ?!
Sentant visiblement que leur « prouesse » devient bancale, le narrateur prend en otage en exemple un spécialiste interviewé, qu’ils présentent comme Pier Luigi Copat, un architecte, le temps de balancer quelques secondes d’interview dans lequel il confie son incompréhension desdites dimensions, apparemment trop réduites.
Là, vous vous dites inconsciemment que bon, si c’est Pier Luigi Copat qui le dit, c’est que ça doit être vrai, c’est un architecte non ?
On assiste alors au premier d’une longue série d’arguments d’autorité. Le problème avec ce passage, c’est qu’ils ont interviewé un architecte dans son bureau, avec ses outils a côté, histoire de faire sérieux:
Ceci afin de légitimer leur propos, sauf que ce mec est totalement étranger à la question. Effectivement, il est architecte, mais en quoi ce mec est-il un spécialiste de la construction antique et surtout, de ce type de monuments ? Pierrot est très certainement un bon architecte, sauf que construire des Potdzdammer Platz, ça n’a rien à voir avec la construction de mausolée il y a trois mille ans: il n’est pas archéologue ni spécialiste de l’architecture antique, c’est un architecte contemporain.
C’est exactement comme si vous alliez demander à votre boucher-charcutier s’il peut vous faire un cours magistral sur les techniques de boucherie en Perse au VIe siècle après J.-C.
4/ 4 :43 « Ils ont empilé plus de deux millions de blocs de pierre de forme et de taille différente […] le tout a été assemblé avec une précision moderne de construction […] la chambre haute est parfaitement horizontale et verticale […] la précision est de l’ordre du dixième de millimètre », et dixit Chris Wise, ingénieur structure: « la Grande Pyramide a traversé quasiment sans dommage au moins trois tremblement de terre majeurs, dont le dernier a totalement rasé la ville du Caire au XIIIe siècle ».
Au-delà du fait que le chiffre de deux millions de blocs ne repose que sur leur estimation et pas sur le nombre réels de blocs composant l’édifice (en réalité une grosse partie est composée de roche brute et des gravats de chantier), Patrice aurait pu synthétiser ladite prouesse en une phrase : « c’est trop bien fait, c’est pas eux qui l’ont fait ».
Le tout en ignorant au passage les défaillances dont souffre la pyramide de Khéops parce que s’ils les avaient mentionnées, ça aurait tout de suite foutu par terre l’effet de style théâtral qu’ils cherchent à donner. Sauf que concrètement, ils sont en train de reprocher aux ouvriers de la Grande Pyramide d’avoir… correctement posés leurs blocs (vu que travailler soigneusement rentre dans la catégorie des miracles pour Patrice, on en conclura que pour lui, un bâtiment ne peut avoir été construit par des humains qu’à conditions d’être perpétuellement sur le point de s’effondrer). Et surtout, qu’est-ce que ça veut dire, « une précision moderne de construction » ?!
Selon lui aucune baraque dans l’histoire de l’humanité n’a pu être édifiée convenablement avant le vingtième siècle ? C’est complètement stupide !
Le tout corroboré par l’intervention d’un nouvel argument d’autorité à deux balles avec l’intervention d’un ingénieur anglais du nom de Chris Wise, qui ne s’y connaît pas plus que son confrère allemand cité plus haut mais qui sert à légitimer le propos (« c’est un spécialiste en trucs, donc il a raison et nous aussi, CQFD», souvenez-vous-en parce que ça va resservir tout du long).
Mais le plus affligeant dans tout ça, c’est quand Chris-la-Spécialité semble ébahi parce que la pyramide de Gizeh a traversé les millénaires sans s’effondrer à cause des séismes qu’elle a subi !
Effectivement, quel mystère qu’un gigantesque monument construit en blocs de calcaire massif ait résisté au temps alors que toutes les cabanes en merde séchée se sont effondrées!
Il doit y avoir de l’Illuminati là-dessous, c’est O-BLI-GÉ.
Une pyramide, basiquement, c’est un tas de pierre! Ca ne peut pas s’effondrer, contrairement à un bâtiment basé sur des appuis bien plus fragile comme peuvent l’être des palais ou des temples gréco-romains! Et puis « sans dommages », c’est encore une fois complètement relatif vu que son sommet a disparu, que son revêtement a été complètement défoncé ainsi que la quasi-totalité de son temple funéraire.
5/ 5 :47 « Ils ont orienté la Grande Pyramide si précisément qu’elle n’est décalée du nord que de cinq centième de degrés »
Vous voulez dire que les anciens Égyptiens ont accompli une prouesse.. en trouvant le nord !? Et d’ailleurs, en quoi est-ce une prouesse si précise puisque vous avouez vous-mêmes qu’ils se sont plantés de cinq centièmes de degrés ?
Blague à part, on sait très bien comment les anciens Égyptiens faisaient pour trouver le nord; ça nécessite un peu de méthode mais c’est tout à fait faisable. Mais encore faudrait-il le mentionner!
Je sens un trouble dans la Force. La suite la semaine prochaine.
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Votre article est pitoyable. Il attaque ce documentaire sur ces lacunes et bêtises sans jamais aller à l’essentiel: comment et pourquoi ce machin a été bâti il y a au moins 3000 ans, au moins, avec les moyens et contraintes de l’époque.
c’est le seul sujet de ce documentaire.
vous n’y répondez pas.
ils, ils re posent cette question et tentent une explication, avec tous ses manques
parce que d’évidence, la version admise est ridicule. Et qu’elle dure depuis 2 siècles, elle.
Bref, quand apprenez vous à faire la part des choses ?
Avec le genre de bêtise que vous soutenez encore, et bien Pi/Phi une découverte Grecque…
Qu’on trouve partout dans la Pyramide.
Et sans eux, une bonne partie des maths et de la physique disparait..
(Alors qu’on sait que les maîtres du fameux miracle grec, -5 s avant JC, au cours duquel ces nombres ont été « dcouverts »avec plein d’autres choses, avaient alors et préalablement tous, TOUS, passé 7 à 20 ans en Egypte histoire de s’instruire au milieu de ce qu’il restait de cette civilisation…)
Quand apprenez vous à faire la part des choses ?
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Le seul sujet de ce documentaire c’est de poser des questions faussement impertinente pour se donner des airs de lanceur d’alerte à deux balles à grand renfort de raisonnement fallacieux. Et le but de l’article c’est de dénoncer cet énorme tas d’erreurs et de mensonges, pas de faire « La construction d’une pyramide pour les Nuls ». Et « la version admise » est admise parce qu’elle se repose sur des faits et des recherches cohérentes. Quand vous pourrez en dire autant des stupidités auxquelles vous croyez par anticonformisme primaire, les poules auront des dents.
Quand apprendrez-vous à faire la part des choses?
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Cher sapeur merci pour cet ce délicieux moment même si vous passez un peu pour un carabinier d’Offenbach 🙂
Cher Recta la question la plus intéressante est de savoir pourquoi selon toutes vraisemblances et preuves du contraire certains continuent à croire et à prétendre à une version magique/surnaturelle/atlantique de l’édification des pyramides ?
N’y aurait’il pas une démarche plus mercantile qu’altruiste derrière ?
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Je n’ai jamais autant pleuré de rire devant un débunkage sur LRDP; merci. Ca complète merveilleusement les vidéos de Gollum Illuminati et de Temps Mort.
Ce qui est génial c’est que vous assemblez le bon troll en leur mettant le nez dans leur caca mais vous prenez tout de même le temps de donner une explication claire et concise; l’association ludique et pédagogique n’a jamais autant fonctionné.
J’attends la suite avec impatience. En parlant de LRDP, vous allez bientôt avoir « double ration de frites » avec LRDP2 sauce Grimault et sauce Pooyard.
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