La Révélation des Pyramides, épisode VIII

La semaine passée, La Révélation des Pyramides nous relatait la terrible impasse dans laquelle Sylvie et son équipe de clowns était coincée : confrontés à l’angoissant mystère de la taille de la pierre à une époque où on savait tailler la pierre, et pourtant incapables de faire une recherche documentaire que n’importe quel élève de CM2 aurait bouclé en un gros quart d’heure pour un exposé, ils sont retournés voir Skippy le grand gourou Jacques Grimault, qui ne leur a filé aucune réponse à ce sujet, mais qui leur a par contre griffonné une liste de sites historiques de la civilisation inca. Incas que l’on suspecte donc d’avoir eu une révélation cosmique : si on construit des murs avec des gros cailloux, ça risque moins de s’effondrer qu’en les faisant en paille. Nous frôlons l’infarctus de surprise.

Allez zou, changement de décor. Tous les déserts de l’Égypte n’étant apparemment pas assez vastes pour contenir la stupidité de ce film, Sylvie nous emmène à l’autre bout de la planète, sur l’île de Pâques.

33 : 10 : « Pour résumer l’histoire officielle, les Pascuans sont les descendants d’un groupe de polynésiens, qui au terme d’un voyage de 4000 km en pirogue, se sont établis sur l’île qu’ils ont baptisé du nom de Rapa Nui, le nombril du monde […] Ici aussi nous sommes face à des suppositions. Car il faut savoir une chose : à de rares exceptions près, la science ne peut pas dater la taille d’une pierre »

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Toujours cette vieille rengaine moisie de « l’histoire officielle« , un terme très répandu parmi leur public et qui ne sert qu’à sous-entendre qu’il existerait une histoire alternative ! Ca tombe sous le sens, mais répétons-le encore une fois, ce terme d’histoire officielle n’a absolument aucun sens, déjà parce qu’il sous-entend une machination d’envergure planétaire d’une complexité ridicule et commanditée par on ne sait même pas qui (illuminatis, hommes-lézards, petit gris, le S.P.E.C.T.R.E de James Bond, ça colle avec tout dans l’absolu), et dont il n’existe évidemment aucune preuve tangible ; et ensuite parce que le « secret » sur l’histoire du monde qu’il induirait n’a strictement AUCUN enjeu !

On est pas dans Men In Black, le secret dont LRDP prétend faire la révélation n’a aucune raison valable d’être gardé secret ! La plupart des gens sont déjà incapables de vous dire de tête à quoi servent les principales institutions européennes ou de mettre leur clignotant en changeant de file sur la rocade, alors qu’est-ce que vous voulez que ça leur foute de savoir que les Égyptiens aient reçu il y a 4000 ans un coup de main pour monter quelques murs, de la part d’aliens qui ont visiblement foutu le camp depuis sans laisser aucune trace ?! Si demain on dépiaute à la main la pyramide de Khéops et qu’on y découvre un hangar à soucoupes volantes, vous allez au contraire assister à une véritable ruée vers l’or de tous les archéologues de la planète pour être les premiers à annoncer  la nouvelle ! Il n’y en a pas un seul dans la profession qui ne rêve pas au moins un peu d’être le prochain Howard Carter, c’est complètement débile ce raisonnement !

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Mais passons, l’intérêt de ce passage c’est l’assertion suivante : effectivement, on ne sait pas dater la taille d’une pierre.

Sauf qu’il s’agit encore d’un superbe mensonge par omission, parce que ce que Sylvie cherche hypocritement à sous-entendre c’est que « les archéologues vous mentent tous parce que ce sont des vendus passsque tu comprends quoâ, on peut pas dater la pierre donc c’est des conneries ».

Or c’est, encore une fois, faux : quand on cherche à savoir quel âge à cette statue de moai, cet obélisque, ce bloc de grès ou n’importe quoi d’autre, on ne date évidemment pas la pierre mais son CONTEXTE. C’est-à-dire les couches de sédiments dans lequel il est, les inscriptions ou les glyphes qu’il porte, ou encore les traces d’outils qui sont dessus ! Bref, là encore les auteurs de cette bouse profitent du fait que leurs spectateurs sont très probablement ignorants des techniques utilisées par la recherche scientifique, n’étant généralement pas du métier, et donc qu’il va croire tout cru ce que Sylvie lui dit, même si ce sont d’énormes conneries !

Mais attendez, car ils vont encore plus loin dans le mensonge par omission et le biais :

Retour sur l’interview d’Éric Gonthier à 33 :34, quand il dit que « Je peux la dater…géologiquement […] on le met en correspondance avec un contexte géologique, et à partir de là on va dire que c’est tant de millions, de milliards d’années pour obtenir ce granit. Les géologues s’arrêtent là ».

Bwahaha. Complètement en roue libre, on retrouve Sylvie qui pousse l’abus de confiance jusqu’à détourner les propos de ses propres intervenants, pourtant choisis à la base parce qu’ils étaient déjà d’accord avec leurs théories débiles avant de tourner le film. En effet, ce pauvre Éric Gonthier n’est absolument pas en train de dire qu’on ne peut pas dater ces statues mais que LUI, en tant que géologue, ne peut que dire l’âge de la roche. DE LA ROCHE. Pas de la statue ! Et il l’assume, il le dit clairement face à elle, qu’il peut avancer telle information sur la roche et que son taf s’arrête ici. Sauf que le monteur du film a là encore coupé pile aux bons endroits pour ne montrer que ce qui les intéresse, détourner complètement l’information donnée par Gonthier et faire sous-entendre à la séquence que : « les géologues peuvent pas faire plus précis que des miyons d’années donc c’est pas possible ».

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Et on continue de bon cœur vers les statues de l’île de Pâques, le temps de caler au passage que « apparemment, ici aussi les constructions les plus anciennes sont les plus massives et les mieux ajustées. », ce qui est toujours incroyablement stupide vu que c’est justement parce qu’on a construit un bâtiment en grand appareil qu’il a le plus de chances de survivre au temps. Mais encore une fois, le fond de commerce de la Révélation des Pyramides, c’est d’inverser la logique en permanence !

Et donc, vers 35 : 00, ce sont les Moai qui ont droit aux mêmes idioties dont on a gratifié plus tôt les colosses de Memnon, trop gros, donc trop pas possibles à déplacer. « Je ne prétends pas que c’est impossible, mais je fais simplement remarquer que personne n’a été capable de rééditer cet exploit »

Ah ah ah.

C’est faux. 

Eh oui, encore. Ca n’étonnera personne, mais bien sûr que si, on a réédité l’exploit, et ça fait belle lurette ! On en a déjà parlé ailleurs sur Scientos, mais transporter de si lourdes charges, ça a été fait sans problème et on a même tracté des monolithes incroyablement plus lourds que n’importe quel moai. Mais en ce qui concerne les statues de l’île de Pâques et spécifiquement ces dernières, on l’a fait :

Non seulement on a essayé, mais on y est même arrivé ! C.F. les expériences d’archéologie expérimentale (là encore) menées entre autres par Jo Anne Van Tilburg, qui ont permis de reconstituer plusieurs méthodes possibles pour déplacer ces gros machins.

Et ne me dites pas qu’il faut être un spécialiste de la question pour savoir ça, ça n’est moi-même pas la mienne et cette expérience que je vous montre n’est que la première qui me soit passée sous le pif. Celle-là a permis de déplacer une statue de 12,5 tonnes, c’est-a-dire le poids moyen des Moais, et ce n’était qu’une expérience pour tenter de reconstituer la méthode utilisée, avec des gens qui faisaient ça pour la première fois de leur vie ! Et ne me dites pas que ouiiiii, mais ta statue fait 12 tonnes seulement alors que les plus pesantes vont jusqu’à 80, tout çâââ, parce que c’est très loin d’être la seule qui aie été menée, et que si les hommes ont réussi à déplacer sans problèmes et sans tracteur spatial des obélisques qui pèsent 230 tonnes (et a les déplacer sur la mer), alors pourquoi une statue de 80 leur en poserait ?! Rien qu’en France, dès 1979 une expérience menée à Bougon dans les Deux-Sèvres par Jean-Pierre Mohen a permis de déplacer une dalle de béton de 32 tonnes, seulement avec des cordes et des rondins ! Alors vous voulez bien arrêter de prendre les anciens polynésiens pour des débiles parce que ça justifierai votre propos ?!

35 :50 « La capacité de ce peuple à se déplacer aussi précisément dans l’océan témoigne de connaissances astronomiques poussées ».

Énième fait complètement anodin érigé en pseudo-révélation, Sylvie fait semblant de vous révéler à vous, sombre inculte qui n’avait pas encore vu la lumière divine, que les peuples du passé ont eu l’idée d’observer le ciel la nuit avant d’inventer le GPS ! Ce n’est pas la première fois qu’ils font ça et je pense qu’à partir de là je ne vais même plus le relever, mais ici ça souligne particulièrement bien ce procédé putassier comme pas permis pour faire semblant d’avoir quelque chose à vous révéler ! Bien sûr que les polynésiens avaient de bonnes connaissances astronomiques Sylvie, comme la totalité des peuples de l’époque ! Tu peux me citer une civilisation qui n’a jamais étudié l’astronomie ?! Et c’est encore plus primordial pour un peuple de navigateurs qui est obligé d’aller et venir en permanence dans des archipels d’îles et des mers gigantesques ! En bref, s’extasier parce que les anciens connaissaient l’astronomie, ça revient à dire ça !

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Mais trêve de plaisanteries, du concret : on sait effectivement très bien comment se déplaçaient les navigateurs polynésiens, et ça n’a aucun rapport avec les « connaissances » auxquelles pensent les auteurs de LRDP : cette civilisation a développé un savoir-faire admirable en la matière, qui leur a permis de se déplacer sur des distances incroyables. C’est encore expliqué ici et ici ; et ça fonctionnait en observant de nombreux éléments comme les vols d’oiseaux, les courants marins, les vagues, les  nuages et évidemment les étoiles. Évidemment, ça relève de l’impossible pour nous autres citadins qui sont à peine capables de trouver le nord avec un portable ; mais pour un navigateur chevronné, ça s’appelle le quotidien !

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A 36 :00, on s’arrête un moment le temps de mentionner l’écriture non déchiffrée des Pascuans. Et comme c’est une langue aujourd’hui perdue, vous devinez d’ici les imbécillités qu’elle va susciter. Eh ben, vous n’allez pas être déçus : « Une théorie, bien évidemment jugée hérétique, la rapproche du site de Mohenjo Daro, au Pakistan »

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Râââh, mais ARRÊTEZ de vous victimiser en permanence ! Pour une fois dans ta vie tu ne pourrais pas commencer par donner des arguments avant de pleurnicher qu’on te jette des cailloux parce que tu raconte n’importe quoi ?!

Et d’ailleurs, c’est quoi cette théorie, avec cette image … ? Ah oui, effectivement dans les deux cas, il s’agit de bonhommes-bâtons. Les têtes ne sont pas les mêmes, les poses non plus, les corps ne sont pas dessinés de la même façon et les espèces d’objets que tiennent ces bonhommes sont différents aussi, mais à part ça c’est vrai qu’il y a un rapport entre toutes les écritures non déchiffrées de la Terre, dès l’instant où les mecs qui les ont gravées ont eu l’idée renversante de prendre la forme humaine comme point de départ pour créer des glyphes !

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Et du coup, qu’est-ce qu’on fait de toutes les autres écritures qu’on a pas encore déchiffrées, genre par exemple l’écriture crétoise du Linéaire B, qui utilise elle aussi la même forme humaine ?

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Tant pis, Sylvie n’a pas jugé utile de détailler son propos, elle a enchaîné à 36 :34, pour se demander « pourquoi un jour des Polynésiens ont-ils quitté tout ce qu’ils avaient de plus cher au monde, terres, familles et amis, pour braver l’océan en pirogue, et entamer un dangereux voyage de 4000 km »

Pourquoi Christophe Colomb a décidé de traverser l’Atlantique en ligne droite alors qu’il n’avait aucune idée du moment où il retrouverait la terre, rappelle-moi ?

Pourquoi les Amérindiens se sont lancés dans les Caraïbes pour aller habiter sur des îles au lieu de rester sur le continent ?

Pourquoi les Inuits sont allés se geler les miches près du cercle polaire au lieu d’aller vivre sur des terres plus hospitalières au sud ?

Pourquoi on s’est un jour lancé sur la mer sans jamais voir les rives d’en face à l’horizon, pour arriver jusqu’en Australie ? A Madagascar ? En Papouasie ?

Et surtout pourquoi tu en fais un foutu trip mystique au rabais pour justifier que tu ne sais absolument pas de quoi tu parles ?!

L’Océanie toute entière compte plus de vingt mille îles et il n’y a même pas la moitié d’entre elles que tu peux apercevoir en étant sur la plage de celle qui la précède ! Les mouvements migratoires sur les mers Sylvie, ça n’est pas une révélation soudaine qui te pousse à embarquer sur un radeau avec trois chèvres et le pépé pour chercher la Terre Promise ! Ça se fait en naviguant d’îles en îles par exploration, par volonté de commercer, par besoin d’exode parce que leurs terres ne sont plus vivables pour X raisons, via la pêche, voire par accident lorsqu’une tempête déporte un navire sur de longues distances, voire tout simplement par volonté de conquête ou de colonisation ! Pourquoi tu crois qu’il y a déjà des projets pour coloniser la Lune et Mars ? C’est une réflexion d’autant plus stupide que 40 secondes plus tôt, elle leur prêtait une immense connaissance astronomique pour voyager sur les mers ! Et maintenant c’est devenu un mystère insondable ? Arrêtez de vous tirer dans les pieds, vous êtes déjà cul-de-jatte !

Mais avoir des pieds, c’est pour les faible. Sylvie n’a pas fini de se poser des questions, car elle cherche la véritude. A 36 :48, c’est « Pourquoi les statues ont ce physique si particulier qui ne correspond en rien à celui des polynésiens, nez aquilin, lèvres fines, front haut, et de la barbe […] et pourquoi leur avoir sculpté de telles mains… des mains de bâtisseurs ? »

Zou, on repart en drift complet ! Tout d’un coup, les statues sont mystérieuses si elles ne représentent pas un humain à l’échelle 1 :1 !

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Puis, vers 37 :59, on continue la fabuleuse odyssée des crétins en direction du Pérou, pour aller inspecter des géoglyphes, en commençant par le chandelier de Paracas. « Comme il est impossible de le dater, cela reste de la spéculation […] Par qui, comment et pourquoi cette figure a été gravée là, personne ne le sait ».

Mais je ne vais pas sortir le lance-flammes tout de suite, car ils repartent, cette fois pour Nazca au Pérou.

 « Bien que ces formes aient été exécutées en un seul trait, j’ai davantage été impressionnée par ces formes immenses et ces lignes droites parfaites […] Et j’ai risqué une question : à quoi ça sert ? A mesurer la quantité de fil pour faire un tissu ? »

Non mais, il va falloir faire un effort Sylvie ; déjà que vous racontez n’importe quoi depuis presque trois quart d’heure, alors si vous tentez de faire des blagues gênantes  par dessus, on ne va pas s’en sortir.

Bref, tout ce passage sur les géoglyphes péruviens suinte lui aussi le mensonge par omission : d’abord en prétendant qu’on ne sait pas qui a fait ça : c’est complètement faux, les géoglyphes péruviens sont attribués jusqu’à preuve du contraire (et je pèse mes mots, inutile de dire que c’est pas prêt de changer vu que « preuve » ne rentre pas dans le vocabulaire du pyramidiot moyen) aux nazcas, la culture qui a précédé l’empire inca dans cette partie de l’Amérique du sud.

Ensuite en disant qu’elles ont été exécutées d’un seul trait, là encore une assertion bien commode pour faire de l’extraordinaire, sauf que Sylvie n’en sait strictement rien ! Qu’est-ce qui lui fait dire que ces dessins ont été faits d’un seul coup de pioche ?

QUE DALLE.

Puis en prétendant qu’il est impossible de le dater, ce qui est faux pour la même raison que pour la datation des statues Moai citées plus haut : le contexte archéologique lui, il se date très bien ! On a retrouvé des outils utilisés pour le carroyage de ces dessins ainsi que des éléments de poterie qu’on a très bien pu dater, c’est la raison pour laquelle la date admise pour ces géoglyphes est située autour du Ve siècle après J.C. ! Et contrairement à ce que ces abrutis essaient constamment de sous-entendre pour se draper dans leur aura de pseudo-rebelles, le monde scientifique ne réfute pas la possibilité que ces géoglyphes aient une autre datation/origine/fonction, le problème c’est –encore une fois- qu’on a aucune autre explication qui soit prouvée, et que Sylvie le veuille ou non :

L’ABSENCE DE PREUVES N’EST PAS ET NE SERA JAMAIS UNE PREUVE EN SOI.

Et d’ailleurs ils « oublient » là encore de mentionner le fait que les géoglyphes ne datent pas d’hier, il y en a un peu partout autour du globe, à commencer par l’Angleterre où le géoglyphe le plus connu d’Europe se trouve dans le comté d’Oxfordshire.

Mais mine de rien, le rendement par minute de raccourcis et de mensonges par omission commence a baisser, aussi Sylvie se dépêche de rectifier ça. A 39 :50, on est partis pour les pyramides inexplorées de Nazca, pas fouillées faute de moyens. « J’ai découvert avec surprise des momies, car il me semblait qu’on en trouvait seulement en Égypte » (au musée d’Ica, au Pérou). « Ainsi que ces étranges crânes déformés, qui m’ont fait penser à une statue d’Akhénaton, ancien pharaon égyptien ».

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Aaah, mais cette tendance systématique au sous-entendu hypocrite, qu’est-ce que ça peut être gonflant. Vous l’aurez deviné vous-même, cette phrase n’a pour but que de faire un rapprochement implicite et non assumé entre les Égyptiens et les Incas. La pensée sous-jacente étant évidemment que les deux peuples se connaissaient, puisque tous les deux connaissaient la momification et la déformation crânienne ! Sauf  que l’une comme l’autre sont des techniques qui sont très répandues tout autour du globe et pas des procédés propre à ces deux peuples uniquement ! DIX ANS DE RECHERCHE POUR CA ?

Tenez mais regardez, en cherchant quelques secondes on trouve des articles sur la momification au Japon au haut-moyen-âge, par exemple, ou encore celui qui traite de la déformation crânienne dans l’Iran ancien !

Oh tiens, et encore la même chose chez nous, en France, à la période médiévale !

A partir de 40 :04, le film, qui avait déjà atteint le fond du trou en matière de mensonges et de faux arguments, décide de s’emparer d’une pioche et de creuser encore plus profond, c’est complètement hallucinant.

La séquence ne dure qu’une minute et quinze secondes environ, mais elle est absolument consternante.

Soyez bien attentifs.

A 40 :04 donc, Sylvie prétend s’être rendue ensuite à « Cuzco, qui dans la langue des incas signifie « le nombril du monde » ». Premier argument pourri pour faire croire au spectateur un peu concon qu’il y a visiblement un rapport avec la même dénomination donnée par les Pascuans à l’île de Pâques, alors qu’en réalité cette appellation de « nombril du monde » se retrouve dans pratiquement TOUTES les capitales ou les villes un peu importantes des grands empires ayant marqué la Terre, de Rome à Babylone en passant par Delphes.

Mais Sylvie ne s’arrête pas, et montre ces images en continuant de pérorer : « en plein cœur de la ville, on trouve cette enceinte faite d’énormes blocs, deux générations de murs », suivi du bullshit habituel à propos des gros-blocs-assemblés-tellement-trop-bien-c’est-pas-les-incas-l’ont-fait.

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Alors déjà, là, il y a quelque chose qui déconne.

Pourquoi? Parce que Sylvie nous montre très rapidement ces images où il y a marqué « site d’Aukaupata », mais elle ne prononce pas le nom du site, elle se contente de dire que « en plein cœur de la ville, on trouve cette enceinte ». Le film étant monté pour avoir un rythme très rapide, on y fait pas attention, sauf que quand on se met à chercher un peu, on découvre qu’il n’y a absolument aucun site historique dans toute la ville de Cuzco qui porte ce nom : Aukaupata, c’est le nom d’un canton de la province de Muñecas, situé dans le département de La Paz, en Bolivie, à 410 kilomètres au sud-est de Cuzco.

Sylvie a donc de toute évidence inventé de toute pièces un mur qui n’existe pas. Heureusement, on comprend pourquoi quelques secondes plus tard.

Puis quelques instants plus tard, à 41 :00, c’est le retour de l’argument d’autorité, avec cette fois l’intervention de Mallku Aribalo, que Sylvie, en toute impartialité et sans à-prioris, présente comme un « écrivain, chercheur et historien des sites du Pérou ».

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Loin de moi l’idée d’être méfiant et de remettre en cause la bonne foi de nos chercheurs de véritude. Mais bon, vu que sur la petite dizaine d’intervenants présentés jusqu’ici, il n’y en avait que deux qui savaient réellement de quoi ils parlaient, vous m’excuserez de fouiller un peu. Qui c’est donc, Mallku Aribalo ?

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Ah.

Visiblement un écrivain oui, un écrivain de bouquins sur la spiritualité andine, mais écrivain tout de même, en plus d’être un genre de néo-hippie végétarien qui fait de l’initiation chamanique pour les touristes.

Certainement un brave type donc, mais toujours est-il que ce gugusse n’est absolument pas un chercheur, ni un historien, et encore moins un archéologue évidemment, mais s’il fallait interviewer un archéologue pour parler d’archéologie, ça se saurait, hein?

Au passage, pendant la même séquence ils font également venir le Dr Rosenberg, présenté comme un prof d’histoire de l’art améwicain, de l’université de Rutgers, donc forcément un expert en tout vu qu’il est améwicain. Sauf que le mec ne s’y connaît pas plus que Mallku-le-Chaman, mais ça vous l’aurez compris vous-même à ce stade.

Mallku Aribalo donc, « selon qui ce site (Sacsayhuamán) forme avec Cuzco et un autre site sacré du nom de Qenqo un triangle parfait ».

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Stop, on y est.

Alors pour commencer, d’un coup il n’est plus question d’Aukaupata, le site dont ils nous parlaient plus haut : Sylvie se contente de dire qu’un des points est à Cuzco (sachant que la ville fait 385 kilomètres carrés, ça va c’est pas trop large comme point de référence), et sur l’image qu’elle nous montre, le point du bas s’appelle « Wakayrata ». Là encore, le film est monté tellement rapidement qu’on y fait pas gaffe. Donc en moins d’une minute, ils ont remplacé un de leurs points de référence par un autre dont on ne sait absolument pas ce que ça peut être.

Ensuite, le nom de « Wakayrata », ça ne correspond à strictement rien : tout comme « Aukaupata », « Wakayrata » n’existe pas à Cuzco. Ça n’est pas un nom de site archéologique, ni historique, ni un quartier, ni une rue, ni un toponyme, ni un bâtiment quel qu’il soit, et aucun moteur de recherche ne mentionne ce nom. En fait ça pourrait tout aussi bien être le nom d’une marque de produit W.C. local que ça serait exactement pareil !

Et enfin, l’endroit où ils placent ce « Wakayrata », c’est ça :

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C’est-à-dire la Plaza de Armas, la grande place de la ville, qui est parfois appelée Huacaypata par la population locale, (que les auteurs de ce navet ont donc visiblement grimé en « Aukaupata« ), et sur laquelle on ne trouve absolument AUCUN mur inca, comme vous pouvez le constater !

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Donc non contents de filer à 300 km/h sur l’autoroute de la connerie en travestissant la réalité pour que ça colle avec leurs idées préconçues, les auteurs de LRDP en sont réduits, à ce stade du film, à INVENTER de toutes pièces des sites historiques pour montrer quelque chose de vaguement impressionnant à l’écran !!

Mais malheureusement, ça n’est pas fini, car cette séquence absolument pathétique souffre encore d’au moins deux nouvelles incohérences pour finir de la ridiculiser : premièrement, on peut voir sur l’extrait montré plus haut qu’ils placent les deux autres points de ce triangle absolument n’importe où.

Le site de Saqsaywaman fait tout de même 180 000 m², et rien ne justifie qu’ils placent ce côté du triangle en plein milieu du lac sacré, sur un des murs de la forteresse ou sur la porte d’entrée ; et le même problème se pose avec le site voisin de Qenqo. Pourtant si vous voulez que votre foutu triangle soit parfait, la précision c’est important, parce qu’en décalant un de vos points d’un seul mètre, votre triangle ne sera plus parfait du tout ! En fait, la seule et unique raison pour laquelle ce point est situé là où vous le voyez à l’écran, c’est parce que c’est le seul endroit à partir duquel la distance jusqu’à Qenqo peut être de précisément 1,25 kilomètres !

Et deuxièmement, mettons que les escrocs derrière cette bouse grandiloquente n’aient pas tous les problèmes que je viens de vous lister, et que tout ce micmac donne effectivement un « triangle parfait ».

QU’EST-CE

QUE

CA

PROUVERAIT ?!

Pourquoi un triangle, et pas un cercle ? Ou un rectangle ? Ou une étoile, ou un polygone, ou allez savoir quelle autre forme géométrique !?

En quoi le fait de former un triangle, fût-il parfait, dénote quoi que ce soit ?  Le pire c’est qu’eux-même n’en ont absolument aucune putain d’idée, ils se contentent juste de balancer ça et de partir en courant en enchaînant sur une autre stupidité, en sachant très bien que le spectateur n’aura pas le temps d’y réfléchir et de se rendre compte de l’absurdité de l’argument !

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Notez que malgré cette accumulation de mensonges et de manipulations grossières, ce sont les mêmes individus et leurs hordes de groupies au QI abyssal qui viendront pleurnicher que l’archéologie est un dogme et gnégnégné et qu’ils font rien qu’à réécrire l’histoire !

Pratiquer le foutage de gueule à ce niveau-là, c’est quand même une sacrée performance !

Mais il y a encore le dessert, car à 42 :39, c’est le retour de la comparaison foireuse entre des « angles de mur » (si si, réellement) et les assemblages en miroir de Gizeh et Machu Picchu :

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Mais ça n’a strictement rien d’une révélation, ça ! C’est tout simplement ce qui se passe quand vous voulez construire un bâtiment avec des blocs monumentaux et que les blocs qui arrivent sur le chantier ne conviennent pas à leur emplacement : ON LES RETAILLE.

Qu’est-ce qui vous fait dire que les incas allaient s’emmerder à réexpédier les blocs à la carrière, c’est complètement con ! La seule solution devant ce problème c’était de retravailler la pierre sur place pour qu’elle rentre, et pas de la benner devant l’entrée, par souci d’économie de temps et de matériaux ! Et ça n’est pas la seule raison pour laquelle ces blocs sont taillés de cette façon, mais comme je l’ai dit dans un épisode précédent, on s’y intéressera plus longuement dans un autre article, sinon ça ne finira jamais. Toute la stupidité de ce raisonnement réside une nouvelle fois dans le fait de prendre deux faits aux apparences identiques, de les sortir de leur contexte, de les entourer d’un bon gros flou et de les présenter de la façon la plus biaisée possible alors que ce n’est que la même solution qui a été apportée de manière logique à deux problématiques similaires ! Et c’est pareil pour la seconde image qui ne montre rien d’autre qu’un LINTEAU.

Exemple : si deux peuples du Néolithique, l’un en Bretagne et l’autre en Germanie, choisissent de construire leur ville en éperon barré :

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Ça n’est pas parce que c’est le même mec qui a dirigé les travaux des deux chantiers à 2000 kilomètres de distance, mais parce que dans les deux cas c’est le meilleur moyen pour économiser les matériaux et n’avoir à construire qu’une section de rempart et pas quatre !

Allez courage, on en est à la moitié. La suite, la semaine prochaine.

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Ou même ici: @LeeSapeur

Bibliographie:

KOSEI Andō, Des momies au Japon et de leur culte. In: L’Homme, 1968.

SOTO-HEIM Patricia, Déformation crânienne dans l’Iran ancien. In: Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, XIV° Série. Tome 3 fascicule 2, 1986.

DELAIRE, BILLET, Considérations sur les déformations crâniennes intentionnelles, Société de Stomatologie, 1964.

ÖZBEK, Metin. A PROPOS DES DEFORMATIONS CRANIENNES ARTIFICIELLES OBSERVEES AU PROCHE-ORIENTPaléorient, vol. 2, no. 2, 1974.

BUCHET Luc, La déformation crânienne en Gaule et dans les régions limitrophes pendant le haut Moyen Âge : son origine — sa valeur historique. In: Archéologie médiévale, tome 18, 1988.

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12 réflexions au sujet de « La Révélation des Pyramides, épisode VIII »

  1. Chuis fan. J’attends le prochain épisode comme si c’était la prochaine fournée de la petite madeleine de Proust. Au sujet de la fabuleuse migration des peuples du Pacifique, qui a duré des milliers d’années et dont eux-mêmes n’étaient pas au courant jusqu’à ce que les Européens s’en rendent compte, voir les diverses études qui démontrent par la linguistique cette saga austronésienne débutée à Taïwan.
    https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2013-1-page-27.htm

    Aimé par 1 personne

  2. Purée, après tout ce temps à relever les idioties de ce documentaire, tu m’en fais découvrir de nouvelles. J’avais totalement raté le tour de passe-passe avec Cuzco. LRDP, c’est la machine à idiotie infinie.

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      1. « Ouin-ouin les michants truants de l’égptologie qui me laissent pas raconter d’énormes mensonges sans aucune preuve au grand public, c’est vraiment trop injuste 😦 😦 :(« 

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  3. Utiliser les mêmes méthodes de ceux qu’on déteste au point de les insulter, n’est pas sympa, mais cela ne semble pas vous arrêter
    Critiquer un homme dont vous n’aurez jamais 1/1000ème des connaissances, non plus
    L’absence de preuves montre surtout que les égyptologiaques ne sont pas plus habilités que d’autres à affirmer des conneries aussi souvent

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    1. Les archéologue sont beaucoup plus habilités que les menteurs en qui tu crois aveuglément à parler d’histoire, au contraire. Les égyptologues ont pour eux la méthode scientifique et des preuves sur lesquelles s’appuyer. Toi, tu n’as rien du tout, à part tes larmes.

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      1. Je vois que j’y suis allée fort pour mes débuts, comme d’hab…
        Mais je ne comprends pas cette haine envers des gens, menteurs certes, sur tous les chapitres
        Je ne pleure plus, j’ai assez donné

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      2. Qu’est-ce qui vous étonne ? Dans la recherche historique on n’a jamais aimé les menteurs et les désinformateurs, je ne vois pas pourquoi LRDP devrait avoir une exception.

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  4. Je mets pas mal de sites en marque-page pour aller les voir ensuite, mais je n’ai encore jamais vu d’échanges de la sorte, ça a l’air d’être la guerre
    J’avais tendance à trouver cool ce que j’ai vu des choses parlant de tout ça, ça collait avec une envie certainement

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