L’incroyable technologie de l’ANKH, partie I

Je suis sûr que Julie Couvreur vous avait manqué !

N’est-ce pas ? Bon, parce qu’à moi, pas du tout. Toujours cheveux au vent face au Complot® et à l’omerta de la science officielle, Julie continue à sortir des vidéos à un rythme pratiquement industriel et au contenu toujours aussi navrant sur l’Atlantide, les annunakis reptiliens ou « l’erreur de Darwin« .
Ce n’est pas faute de lui avoir mis sous le nez la longue liste de ses mensonges, de ses erreurs et des incohérences qui parsèment ses vidéos, mais elle s’en fiche complètement : c’est plus simple de censurer sous ces dernières toutes les voix dissonantes, pour ne laisser que ses fans qui chantent ses louanges à l’unisson ; parce qu’on est des esprits libres-et-rebelles-à-l’écoute-de-toutes-les-hypothèses, mais il ne faudrait quand même pas prendre le risque d’être contredite, faut pas pousser !


Elle a déjà 56 vidéos à son actif et chacune d’entre elles mériterait d’être débunkée, mais il y en a une en particulier qui me tentait depuis quelques temps, sortie en 2019 et qui parle de l’ankh, symbole égyptien, hiéroglyphe et le cas échéant, pourvoyeur de motifs de pendentifs et de tatouages new-age ratés :

Voilà, donc si vous avez eu le courage de vous coltiner 24 minutes de conneries, eh bien prenez un aspirine, parce qu’on va décortiquer tout ça. Je remarque au passage que sur cette vidéo, YouTube applique une publicité pour un obscur scam italien promettant « d’éveiller les consciences et sortir de la programmation mentale de la Matrice » -zéro vannes-, comme quoi les blagues s’écrivent toutes seules :

Allez, c’est parti !

1/ « Vers le début du IVe millénaire avant notre ère, l’Égypte, issue d’une civilisation primitive banale, s’impose brusquement d’une manière fabuleuse sur les rives du Nil« .

Ah oui, donc sans échauffements. Tu peux définir « brusquement« , qu’on rigole ?

C’est au mieux réducteur, au pire une énorme bêtise. l’Égypte n’est pas du tout apparue brusquement, ça a au contraire pris des millénaires pour que les premières structures étatiques digne de ce nom apparaissent lentement.
Non seulement la vallée du Nil a des traces d’occupation depuis au moins 100 000 ans, comme ici sur le site du Wadi Halfa, mais les fouilles ont mis au jour une ribambelle de sites d’occupation tout le long du cours du fleuve : des inhumations, des lieux de vie, des traces d’agriculture primitive, d’élevage et même d’extraction minière, comme ici sur le site de Nazlet Khater, qui a livré entre autres des outils.

Allez donc savoir ce qu’elle sous-entend avec ce terme fourre-tout -et franchement méprisant- de « civilisation primitive banale« ; mais même si l’on réduit la très, TRÉS longue préhistoire égyptienne à la seule période prédynastique, eh bien ça ne colle pas non plus, parce que les sociétés agropastorales qui peuplent la Basse-Égypte et une grande partie de la Moyenne remontent a beaucoup plus loin que ça; ainsi le site de Mérimdé Beni-Salamé dans le Fayoum, qui remonte jusqu’à -5400 avant notre ère et où des populations pratiquaient déjà l’agriculture en plus de la chasse et de la pêche !


A partir de là, d’ici à ce que Djéser n’édifie la première pyramide digne de ce nom, il va s’écouler pas loin de TROIS MILLE ANS. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte d’à quel point ce laps de temps est immense ; mais sur l’échelle de Julie Couvreur et de ses approximations foireuses, ça veut dire qu’on passe en un éclair de la Grèce pré-archaïque à l’ère de la 5G !

2/ « Ces symboles s’imposent à nous tel un code indéchiffrable composée d’images inexpressives et simplifiées d’objets, de choses de la vie quotidienne, de divinités. Parmi ces milliers de signes, un seul qui ne soit pas concret, l’ankh« 


Ouuuuais. Alors, il y a peut-être un petit quelque chose qui t’a échappé Julie, mais ça fait un peu plus de 200 ans maintenant que le langage hiéroglyphique est entièrement déchiffrée, au contraire. Je me doute que je n’apprends rien à tous les lecteurs qui ont un minimum de culture générale, mais puisqu’il faut apparemment enfoncer des portes aussi ouvertes, rappelons néanmoins que les hiéroglyphes ont été déchiffrés par le chercheur français Jean-François Champollion à partir de 1821, en utilisant les inscriptions de la pierre de Rosette, découverte accidentelle d’un décret royal du IIe siècle avant J.-C. gravé en trois langues, qui a miraculeusement survécu au passage des siècles.

  • Jefe, franchement, vous pinaillez, ce n’est qu’une formule.

Sans vergogne, oui. Mais c’est la sienne, et ce que je voudrais surtout souligner ici, c’est cette propension systématique a présenter les choses comme ça l’arrange, pour pousser les hiéroglyphes dans la même catégorie qu’une incantation à la gloire de Ctulhu !

3/ 2:41 :  » Dans les années 90, Guy Gruais et Guy Claude Mouny isolent ce symbole et décrivent dans « le grand secret du signe de vie » (le bouquin qu’ils ont produit ensemble), comment l’Ankh, associé à d’autres hiéroglyphes, pourrait être interprété comme la représentation schématisée comme une technologie avancée héritée d’une civilisation disparue« 

La fameuse, oui.

Sergio, un petit point sur Guy-Claude et Guy-pas-Claude ?
Non parce que, la Recherche Indépendante® étant ce qu’elle est, et avec autant d’années sur Scientos au compteur, je suis prêt à parier ma bagnole et mon rein droit que ces deux gugusses n’ont rien des spécialistes dont on prétend qu’ils sont.



De ce pas, jefe. Guy-Claude Mouny, c’est donc l’un des auteurs de cette théorie fumeuse ; peu de détails sont disponibles à son sujet, si ce n’est qu’il a fait sa carrière dans l’armée en tant qu’officier de réserve d’état-major, avec le grade de colonel, en recevant l’ordre du Mérite.
En dehors de ces activités martiales, on ne trouve aucun cursus universitaire ou même aucune formation reliée de près ou de loin aux sciences humaines, ni à l’archéologie en général, en fait absolument rien du tout, jusqu’à la fin des années 80 où, visiblement à la retraite vu son âge à ce moment-là, il a commencé a s’ennuyer et s’est donc mis à écrire des bouquins sur « le Grand Secret des Pyramides de Gizeh » (1992), le fameux trésor de « Rennes-le-Château, un autre regard sur l’énigme » (1999), « la Symbolique des dieux » (1999), « Les Engins, l’espace et ceux qui l’occupent : de Peenemünde à Cuicuilco » en 2000, « les Carrés Magiques » en 2001, et il ne s’agit que de morceaux choisis ; vu le rythme de sortie très élevé de ses bouquins, qui reste inversement proportionnel à la liste de ses qualifications, je vous laisse deviner de sa crédibilité scientifique !

On le voit ici interviewé en 1994 :

… et on se rend compte au passage que c’est visiblement lui qui a mis au point cette théorie complètement conne du triangle qui partirait du sommet de la pyramide de Khéops pour atteindre celle de Képhren, et finir dans une dune de sable dans le coin droit ! Une théorie qui a visiblement été repompée sans trembler des genoux par Grimault quelques années plus tard dans LRDP. Et tant qu’on parle de recopiage, signalons aussi que Julie Couvreur a poussé la paresse intellectuelle jusqu’à piquer à Guy Mouny jusqu’au titre de sa vidéo, qui est celui de son onzième bouquin, sorti en 2002.

Quand à Guy Gruais, il existe encore moins de détails sur le personnage, si ce n’est qu’il est toujours vivant et que son œuvre reste essentiellement d’avoir contribué aux bouquins de Mouny. Tout au plus peut-on trouver sur certains sites parlant d’OVNIS ou de complots que ce mec a fait sa carrière au service de photographie d’IBM ; et qu’il fréquentait des associations de passionnés de soucoupes volantes, comme vous pouvez le voir ici et ici !

Bref, mon rein peut dormir tranquille !

4/ 3:25 « Il s’agit de la représentation d’une croix suspendue à une anse. Les symbolistes y verraient tout de suite la moitié redressée du signe de l’infini surmontant une croix en T, ou croix de Saint-Antoine. [Elle] est omniprésente sur 800 000 km² ou 5000 ans d’histoire.« 


Blablabla, elle serait l’instrument par lequel les dieux donnent la vie, figurée vers le visage du monarque, ce serait un symbole omniprésent chez les divinités, très souvent chez pharaon, qui la tiendrait « de manière très passive« . Jusque-là, pas de quoi se faire des cheveux blancs ?

Ah si, en fait, si. Qu’est-ce que tu viens de dire ? La… moitié redressée du signe de l’infini ?!

Ca, là ?


… mais qu’est-ce que tu me chante ? Ce symbole n’a été utilisé qu’à partir de 1655 par le mathématicien anglais John Wallis dans son bouquin De sectionibus conicis; alors quel rapport avec l’Égypte antique ?!

Mais en fait, c’est pire après. Car : « pour certains, la croix ansée était une puissante manière de capter les influences astrales et la magie, manipulée allègrement par les divinités qui la portent, la braquent comme une baguette magique ou comme un défibrillateur cardiaque, qui rend la vie« .

On sera à peu près d’accord sur l’utilisation du principe de vie, qui est censé être véhiculé par l’ankh effectivement; mais ce que Julie oublie délibérément de mentionner, ou plutôt qu’elle déforme complètement, c’est que l’ankh signifie une chose très concrète et en même temps un concept, ou une idée, appelez ça comme vous voulez, mais cela représente le souffle de vie insufflé au souverain par la divinité dont il (ou elle, dans de rares cas) est dépositaire.

On peut retourner ça n’importe comment, mais de là a en faire une espèce de panneau solaire arcanique qui réanime les macchabées par impulsions électriques, il y a un gouffre !

Et parfois, on la retrouverait associée aux « mêmes hiéroglyphes, pas toujours tous à la fois, sont groupées, un peu comme un logo, ne donnant pas vraiment de traduction cohérente« .

Certes, mais ça a quand même une signification, ce truc !
Ce n’est pas à moi de vous faire un cours de linguistique égyptienne, mais ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que l’écriture hiéroglyphique a connu de très nombreuses évolutions, qu’elle contenait des MILLIERS de signes, tellement que les scribes n’en utilisaient que quelques centaines en même temps la plupart du temps, et en plus qu’elle mêle idéogrammes et phonogrammes. En ce qui concerne l’ankh, il possède une signification bien précise quand il est utilisé dans un mot, comme ici, où il s’intègre au rectangle, signe de la maison, pour écrire « régisseur de la maison de vie » :

… mais le concept qu’il représente peut aussi être utilisé séparément comme un symbole. Mais ce symbole a QUAND MÊME une traduction très concrète !

Et comme c’est expliqué dans cette publication de l’égyptologue Nathalie Beaux, ces trois symboles sont une formule hiéroglyphique on ne peut plus classique qui représente les trois qualités associées à un souverain, et en l’occurrence une souveraine, comme ici au temple d’Hatchepsout :

C’est a dire la vie, représentée donc par la croix de vie (ankh), la stabilité représentée par le pilier (djed), et le pouvoir, représenté par le bâton (ouas).

5/ « Guy Gruais et Guy-Claude Mouny, loin de vouloir faire des démonstrations scientifiques ou de délivrer de doctes messages, se sont donnés comme but d’étendre le champ d’investigation en gardant l’objectif initial : rechercher ce que peut être l’objet qui a inspiré la forme de l’Ankh« 

Ah, donc c’est carrément admis que Guy et Guy, à ne pas confondre avec Luc et Luc, n’ont aucune intention de suivre la moindre logique démonstrative ni scientifique, et Julie Couvreur encore moins : la recherche indépendante ne fonctionne pas avec des preuves et des théories, mais avec de gros aprioris de merde. Demandez à Patrice Pouillard.

6/ « l’électricité tire son nom de l’ambre, « électro » en grec, cette ambre qui, frottée, et attire les corps. Ces découvertes remontent à Thalès, en 700 avant Jésus-Christ« .


Elle rappelle vite fait l’histoire de la fabrication des premières piles par Volta et Galvani à la toute fin du XVIIIe siècle. Sauf qu’en fait, ça viendrait de « l’Agastya Samhita », « un manuscrit indien datant de 4000 ans » et qui contiendrait le descriptif d’une batterie électrique « qui fut testée de nos jours et qui est parfaitement fonctionnelle« , au secours c’est tellement débile que j’en ai déjà marre et ça ne fait que sept minutes de vidéo, et en plus, elle nous remet sous le nez les fameuses images de la « pile de Bagdad » et tant qu’on y est, de l’ampoule égyptienne !

Bon, une chose à la fois. Déjà, rappelons que la « pile de Bagdad » et « l’ampoule de Denderah« , c’est de la flûte de A à Z.
On en a déjà parlé ici sur Scientos, et en réalité la « pile » n’est absolument pas fonctionnelle même en supposant tout un tas d’éléments manquants mais néanmoins indispensables à son fonctionnement; quand à l’ampoule, elle n’est qu’une représentation mythologique et pas du tout un luminaire que les Égyptiens n’avaient ni intérêt ni moyen de produire jusqu’à preuve du contraire.

ENSUITE. « Samhita« , en sanskrit, ça veut dire « recueil de textes« , et en particulier des textes sacrés de la religion hindoue. En l’occurrence, vous pouvez considérer que c’est la même chose qu’une évangile chrétienne dans le sens où il compile des textes sacrés. Et Agastya, c’est le nom d’une figure de la mythologie hindoue, un nain poète à qui on attribue la rédaction d’un certain nombre de ces samhitas dans le cadre des textes védas. Agastya Samhita, ça signifie donc « les textes d’Agastya« , et le problème, c’est que c’est un nom plus générique qu’autre chose, qui a été donné à plusieurs ouvrages sanskrits au cours de l’histoire antique indienne, sans qu’on sache précisément qui a rédigé quoi !
La documentation sur ce sujet étant difficile a trouver et n’ayant pas fait sanskrit en LV3, il est toujours possible que la fameuse recette de ces piles électriques indiennes m’aie miraculeusement échappé; ceci dit, on trouve quand même certains de ces corpus de textes en accès libre sur internet, comme ici et ici, où figurent des Agastya samhitas au sein d’autres ouvrages. Or comme vous pouvez le constater en épluchant tout ça, on ne trouve absolument nulle part la moindre mention de la méthode de fabrication de ces engins. Mais encore une fois, on peut toujours partir du principe qu’en faiiit, eeeuh beeen la recette ne figure que dans LE texte qui n’est pas trouvable en ligne, et que, ben, c’est pour ça, mais juré ça existe vraiment hein, les Indiens savaient fabriquer des piles électriques, j’te juuuure.


Mais au fait, ça vient d’où cette histoire de pile ? Julie Couvreur n’ayant pas la décence de préciser ses sources, il faut tout faire soi-même. Et il se trouve que comme d’habitude, la cohorte de sites complotistes ou pseudo-archéologiques qui mentionnent cette affaire se contentent de copier/coller le même texte systématiquement :


… une méthode qui est rapportée dans UN seul et UNIQUE bouquin, le « Technology of the Gods : The Incredible Sciences of the Ancients «  publié par David Hatcher Childress. Sergio, tu connais la chanson ?

*soupir*. Oui, oui… c’est un écrivain américain né en 1957, passionné d’archéologie mais qui s’est barré de la fac du Montana à 19 ans, pour aller voyager de part le monde. Il a vadrouillé un peu partout jusqu’à s’installer dans l’Illinois dans une communauté new age au début des années 80, avant de fonder sa maison d’édition. Il y a produit des bouquins de pseudo-archéologie, de crypto-zoologie et pseudoscientifiques à un rythme qu’on peut qualifier de frénétique, –jefe arrêtez de rire-, qu’il en soit auteur, co-auteur ou simplement éditeur. Citons entre autres « Continents perdus et Terre creuse », « Avion Vimana de l’Inde ancienne et de l’Atlantide« , « Pirates et la flotte des Templiers perdus« , ou encore « Cités perdues de l’ancienne Lémurie et du Pacifique« . Quand à ses fréquentations, euh… bon, c’est plus simple de laisser parler les images.

Voilà, donc tout ça pour dire que question crédibilité, c’est assez éloquent. La suite.

7/ « la connaissance de l’électricité est l’un des héritages de la civilisation ayant précédé la nôtre, ayant atteint un haut degré de sophistication. Dans une lecture, le médium Edgar Cayce avait décrit une salle pleine d’archives situées prés d’une des pattes du Sphinx […] les éléments qu’elle contiendrait traiteraient de l’histoire de l’Égypte et de l’Atlantide« 

Alors déjà, ce truc à propos d’une bibliothèque située dans l’arrière-train du Sphinx, ça a déjà été dit ici, mais c’est un énorme mensonge, et aucun « chercheur indépendant » n’a jamais prouvé que ça existait. Ensuite, Edgar Cayce, le médium qu’on fait venir sur le plateau pour parler d’archéologie parce que oui, avec ces abrutis on en est vraiment rendus là, c’est qui ? Sergio ?

C’est un médium américain, né en 1877 et mort en 1945, qui a fait toute sa carrière en vendant des bouquins et des conférences sur des thèmes assez varié, comme la réincarnation, les rêves, les dimensions parallèle, l’hypnose, la transe ou l’Atlantide. Après une courte carrière de missionnaire, il a commencé a rassembler de plus en plus de disciples et a faire de la théologie, voire a exercer de la médecine sans avoir le moindre diplôme correspondant, bref, c’est vraiment n’importe quoi et ses théories sont à la base du courant New Age né bien après sa mort, et sachez que même aujourd’hui un nombre assez effrayant d’Américains sont encore adeptes de ce mec !


En tout cas, il aurait aussi décrit l’usage de cristaux atlantes, sources d’énergies et « transmettrices d’énergie solaire par ondes radio« . Oui oui.
Qu’est-ce que je suis censé dire de plus à partir du moment où Julie Couvreur a un médium dans ses sources ?

Eh bien on dit qu’on verra la suite dans une seconde partie, très bientôt !

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