LES 3,14 PREUVES DU COMPLOT®, partie 1

Seul au sommet de ma tour d’ivoire, je suis occupé à faire la compta de ce que me rapportent mes stock-options de la Science Officielle® en dégustant des yeux de chatons au vinaigre. Faire taire les révélations des chercheurs indépendants, on peut dire que c’est un business lucratif, car moi, je contracte à toute allure et sans vergogne. Qu’il est bon de faire partie du camp des méchants, songeais-je jusqu’à ce que mon fidèle, bedonnant et un peu intrusif serviteur Sergio ne vienne tambouriner à ma porte.

– Jefe, le grand maître reptilien du Nouvel Ordre Mondial a téléphoné, il dit que si vous ne vous montrez pas un peu plus productif, il ne vous offrira pas un troisième yacht cette année !

Quoi ? Il abuse, mon deuxième, le « Belge qui plane« , a grand besoin d’être changé, on a un certain niveau de standing a tenir quand on fait partie du complot !

– Il suffit d’un petit coup de collier ! Ca fait deux ans que vous n’avez pas parlé de Pagans TV, par exemple !

Ah, c’est vrai. Et entretemps, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est resté productif, l’animal ! Alors allons-y.

Oleg le Viking, promoteur de diverses théories allant de « complètement débile » à « j’écris mes vidéos après avoir sniffé un seau de colle UHU« , a continué tambour battant à sortir ses vidéos et promouvoir sa boutique de gadgets à touristes. Depuis 2022, il a essentiellement continué à déblatérer sur son thème principal, qui se résume en une seule phrase : « les anciens bâtisseurs hyperboréens étaient des vikings tout-puissants mais bon pas trop quand même en fin de compte, qui ont fondé, construit ou inventé en Europe et dans le monde tout ce qui dépasse le niveau technologique d’une roulette à pizzas et qui se sont fait occulter de l’Histoire par l’Église catholique« .

Dans une tentative de sortir de l’anonymat marginal, il a de temps en temps essayé de surfer sur l’actualité en réagissant à la fameuse séquence de Maître Gims sur les pyramides électriques, ou en se plaignant d’autres complotistes pour des raisons variées :

Il y aurait matière à consacrer -au moins- un article à chacune de ces vidéos abrutissantes, voire des FILMS qu’il a sorti et que je vous conseille si vous voulez faire un jeu à boire, mais il a fallu choisir. Et comme il a salement tendance à se répéter, c’est celle-là qui a attiré mon attention.

Voici donc Oleg, son triskell, son valknut, son bouclier-viking-authentique peint à l’aquarelle, ses DVD, ses posters, sa corne à boire qu’il va garder à la main pendant TOUTE la vidéo parce que bordel le placement de produits c’est décidément une vocation chez ce mec, et surtout ses preuves TANGIBLES, « que les académies se trompent lourdement, pour ne pas dire (spoiler, en fait il va carrément le dire) nous mentent sur les pyramides d’Égypte« .

Ces preuves seraient inédites, même sur les médias alternatifs, et il va aussi parler de « Schwaller de Lubicz, l’égyptologue spolié par Jacques Grimault« , car selon lui personne d’autre n’en parle. Beau programme.

La « preuve » numéro 1 : le positionnement stratégique des pyramides (1:20)

Ca serait presque suspect que ce genre de vidéos ne commencent pas par un laïus complotiste à deux balles, donc rassurez-vous, Oleg et sa narratrice sont désespérément là où on les attend : « les découvertes que nous allons montrer maintenant n’ont été révélées que par une minorité de chercheurs, elles ne sont jamais mentionnées par les défenseurs de la thèse officielle, évidemment« . Des découvertes absolument renversantes, qui pourtant « sont des faits les plus indiscutables qui soient, de plus ils sont vérifiables par tous« , et qui viennent « entre autres » de Howard Crowhurst.

Howard Crowhurst, pas la plus fiable des sources dirons-nous pudiquement, car ce n’est évidemment pas un archéologue, ni un historien, ni un scientifique de manière générale, c’est un ancien R.H. britannique expatrié en Bretagne depuis quarante ans et qui s’est trouvé une passion dans les rapports géométriques foireux entre les sites mégalithiques. Vous pouvez le caser à côté d’un Leplat ou d’une Julie Couvreur sans difficulté, même s’il est un tantinet plus discret que nos Planète RAW nationaux.

Ca part donc assez mal, et d’autant plus qu’Oleg commence d’entrée de jeu par décréter que ses preuves sont indiscutables, comme quoi il ne doit pas en être intimement persuadé au fond.

« Lorsque l’on prend le logiciel Google Earth et qu’on veut mesurer la distance entre la Grande Pyramide et le monument mégalithique de Newgrange, un monument mégalithique qui date de la même époque que la Grande Pyramide, on s’aperçoit que la distance entre les deux monuments est égale à un dixième de la circonférence terrestre pile poil ! C’est pas un dixième a peu prés, c’est très précis. Prenez la circonférence de la Terre en kilomètres, et décalez la virgule d’un cran vers la gauche, vous obtenez la distance entre la pyramide et le tumulus de Newgrange. »

Oh la vache.

Bon, rapidement : Newgrange, c’est vers Dublin en Irlande, et c’est un site mégalithique de l’âge du Bronze, où on trouve un des plus gros, sinon LE plus gros tumulus d’Europe :

Et donc, d’après monsieur neuneu-casque-à-cornes, Google Earth apporte la preuve IRRÉFUTABLE qu’il y a un lien entre ça et la pyramide de Khéops ! Oui certes, sauf que non. Déjà, comme l’explique cet excellent article d’Alexis Seydoux sur le site d’Irna, Google Earth n’est pas du tout un outil de recherche scientifique mais une combinaison de vues satellites et d’un SIG basique a destination du grand public. Et là où ça pose un problème, c’est qu’il a été relevé maintes et maintes fois en comparant ses données à celles des systèmes GNSS qui permettent de trianguler une position géographique avec les satellites actuellement en orbite, que sa précision est toute relative et que « pour 41,08 % des points, la différence entre Google Earth et les points de référence est comprise entre zéro et deux mètres, pour 18,76 % de deux à quatre mètres, pour 20,61 %, de quatre à six mètres, et pour 9,55 %, cette différence est de plus de six mètres« . C’est pire encore si on ajoute à ça que les trop longues distances, les reliefs montagneux ou simplement les zones moins bien couvertes par les satellites augmentent encore cette proportion d’erreurs déjà trop grande !

Pas de quoi faire un procès à Google, sauf qu’en attendant ça veut dire que la distance entre Gizeh et Newgrange n’est égale à que dalle ! D’autant plus qu’Oleg répète avec aplomb que ce n’est pas « à peu près, c’est très précis!« . C’est un problème qui se posait déjà avec l’équateur penché de LRDP et que j’ai déjà relevé je ne sais combien de fois.

Cette marge d’erreur suffit en soi à mettre à la poubelle cette « preuve« , mais il y a d’autres incohérences là-dedans que je relève.

Déjà, pourquoi Newgrange ?

Pour la pyramide de Khéops, je ne me pose même plus la question même si elle est aussi valable, car rien ne justifie qu’on fasse ces calculs stupides à partir de CETTE pyramide et pas des 35 autres qu’on trouve dans le pays; en fait le seul critère évident dans la méthodologie des pyramidiots, c’est « c’est l’plus gros, c’est l’plus beau « . Et pour Newgrange, eh bien ça a furieusement l’air d’être le cas aussi : c’est certes le plus gros tumulus d’Irlande et même d’Europe (ou plutôt le plus gros qu’on connaisse actuellement), mais ça n’est pas du tout le seul. Des tumulus, on en trouve absolument partout, par exemple à 140 km de Newgrange, où on trouve les tombes mégalithiques de Carrowkeel !

Ah ça, c’est sûr que ça pète un peu moins vu que ça ressemble plus à un vieux fond de cendar après une soirée bien arrosée qu’à une jolie colline au gazon bien tondu comme à Newgrange, mais ça reste une bête tombe dans les deux cas.

Et des tombes mégalithiques, il y en a des CENTAINES, voire des milliers rien qu’en Europe ! Le cairn de Barnenez en Bretagne par exemple, aurait pu avoir la même comparaison, et il date de la même période !

Le site megalithic.co.uk, qui compile les sites mégalithiques -et pas que-, en recense pas moins d’une vingtaine dans tout le pays, et douze de plus en Irlande du Nord, et je vous épargne la liste du reste des îles anglo-saxonnes et de l’Europe continentale.

De plus, pourquoi la distance d’UN DIXIÉME de la circonférence est plus significative de quoi que ce soit ? Non seulement ça n’infirme absolument rien sur les pyramides contrairement au titre de la vidéo, mais ça ne veut rien dire même dans leur propre logiciel ! La première foutue étape quand on développe sa théorie, c’est justifier ses données de départ, alors pourquoi faire ce calcul avec la circonférence terrestre, plutôt que l’arc de cercle, le degré d’inclinaison par rapport au soleil où je ne sais quelle mesure prise visiblement complètement au pif; et surtout pourquoi un dixième au lieu de trois ou six ? Ca n’a aucun sens !

D’autant que quand on fait le même calcul qu’Oleg, on s’aperçoit que :

… qu’en fait ça ne fait pas du tout « un dixième de la circonférence terrestre », soit 4,007.5km, mais plutôt 4007,43. Niéniénié tu pinaille me direz-vous; certes, mais c’est lui qui dit que cette distance n’est pas approximative mais exacte, alors que comme vous pouvez le voir, ça n’est pas le cas. D’autant qu’il y a un nouveau petit problème à sa mesure :

OU SONT TES POINTS DE RÉFÉRENCES ?!

Le site de Newgrange fait presque trois hectares, dont un demi rien que pour le tumulus avec ses 85 mètres de diamètre, alors d’où est-ce tu fais partir ta mesure déjà fausse avant d’être prise ?! Du sommet ? De l’entrée du cairn ? Des poubelles du parking ? Et surtout pourquoi ? Ca n’a aucun sens, et vous vous doutez bien que les mêmes questions se posent pour la pyramide de Khéops !

Mais rassurez-vous, Oleg et sa narratrice ont une réponse toute faite pour ça.

« Non, parce que la probabilité pour que la distance significative entre ces monuments soit un hasard, est à peu près nulle ! »

Oublions que vous n’expliquez jamais ce qui est censé être significatif ou pas, le problème ici c’est que « à peu près nulle » ça ne veut pas dire « impossible« ; là encore votre distance peut être soit vraie soit fausse, mais pas les deux.

« La corroboration de ces trois paramètres, le plus massif, datant de la même époque et situé à une distance significative de la pyramide, cela ne peut être que le fruit d’une volonté particulière »

Donc là, on corrobore deux critères déjà bien nazes parce que basés sur des a-prioris et des choix qui ne sont jamais justifiés; à un troisième, qui est « bah ça date de la même période donc c’est pareil« .

SAUF QUE.
Sauf que quand on se penche sur la question, comme ici par exemple où vous trouverez une publication sur les datations au carbone 14 qui ont été faites sur le site de Newgrange, on apprend qu’elles datent son édification entre -3100 et -3350 avant notre ère, soit entre 500 et 700 ans avant le règne de Khéops !

Et bien sûr, c’est toujours à condition qu’il y aie réellement un lien avéré entre l’Égypte pharaonique et la civilisation néolithique qui vivotait alors en Europe, ce qu’Oleg ne peut pas prouver.

Mais ce n’est pas fini, car toujours sans explication concernant le choix, le même rapport est fait entre la pyramide et… Stonehenge, qui se trouve « exactement à 2236 miles de la grande pyramide« .

Mais ?! Mais pourquoi on passe en miles, là ? Tu calculais tout en kilomètres jusqu’ici, alors POURQUOI on passe sur une autre unité de mesure ? C’est n’importe quoi ! Et vous savez quoi ? Il s’en tape. Parce que regardez un peu ce qu’il découvre sous vos yeux ébahis.

Stonehenge-Khéops, ça ferait 2236 miles (je vous laisse vérifier par vous-même), ce qui équivaut à racine de 5, enfin à condition de diviser ce nombre idiot par 1000 sans qu’on en sache la foutue raison; et, euh, là où ça va être absolument décoiffant, c’est que… ben, ça correspond « à la longueur de la diagonale du double carré, la diagonale qui détermine la pente de la descenderie de la Grande Pyramide » (4:10).

C’est-a-dire un théorème de Pythagore tout ce qu’il a de plus bête, à ceci près que pour Oleg, 2,236 mètres équivalent à 2236 miles, et non, vous ne rêvez pas et c’est du premier degré.

On pourrait aussi se poser la question du rapport avec cette descenderie d’ailleurs; pourquoi relier cette distance avec CE couloir parmi tous ceux que comportent cette pyramide, alors ça, ça n’est jamais expliqué évidemment.

En roue libre, ils vont même jusqu’à établir un lien entre les menhirs de Carnac et le temple de Karnak, avec pour seul et unique point commun la prononciation orale, et une distance qui ne veut plus rien dire du tout et qu’ils n’abordent curieusement pas !

A priori vous avez compris tout seuls pourquoi c’est complètement stupide, mais il est temps maintenant de s’intéresser à la deuxième preuve « irréfutable ».

La « preuve » numéro 2 : le sens symbolique et religieux des pyramides (6:30)

Accrochez-vous, parce que ça va aller crescendo.

« Sur le plateau de Gizeh, il y a trois grandes pyramides, et en Irlande, figurez-vous qu’il y a trois grands tumulus. En effet, les tumulus de Knowth et Dowth se trouvent tout près de celui de Newgrange, qu’ils accompagnent.« 

« Un indice nous est donné […] c’est un triskell, un symbole fait de trois spirales, un symbole fait de trois cercles. Chaque tumulus est de forme circulaire […] c’est donc aussi trois cercles, c’est-a-dire qui figurent un triskell. »

On dirait que c’est du 38e degré, mais non, même pas. Bon, vous n’aurez pas trop de mal en principe a voir ce laïus débile s’écrouler sous ses incohérences : d’abord, sur le plateau de Gizeh il n’y a pas trois pyramides mais sept; et en Irlande, comme je le disais plus haut, il y a au moins une vingtaine de tumulus qui sont recensés !
Ensuite, quand on veut être aussi précis que rêve de l’être Oleg, le minimum c’est de ne pas baser son corpus de données sur des approximations de la taille de Jupiter; alors qu’est-ce que c’est censé désigner, « grand » ?! Il ne prend que les « grands tumulus » et les « grandes pyramides« , mais bordel de merde, qu’est-ce que ça veut dire, « grand« , pour lui ? Un diamètre, une circonférence, une emprise au sol ?
Et qui serait comprise ou dépasserait quelle superficie ? Et surtout POURQUOI ce chiffre-là et pas un autre ?
De plus, il n’y a toujours aucun lien avéré entre les tumulus néolithiques et ces trois pyramides, surtout qu’encore une fois, les premiers ont été construits plusieurs siècles avant les secondes, mais en plus, le rapprochement n’est fait que parce qu’ils « se trouvent tout près de celui de Newgrange, qu’ils accompagnent. » Tout près, vraiment ?

… c’est à presque TROIS KILOMÉTRES ! Ces tumulus n’accompagnent que dalle, ils ne sont pas situés sur le même site, contrairement au plateau de Gizeh qui est une nécropole complète où les pyramides sont à moins de 200 mètres les unes des autres, sans parler des mastabas, des hypogées et des fosses qu’on trouve un peu partout entre les chaussées, les pyramides et les temples funéraires !

La suite vendredi prochain !

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Bibliographie :

Thom, Alexander. Megalithic Sites in Britain. Oxford, 1967.

P. David Sweetman, Finbar McCormick and G. F. Mitchell, Excavation of a Late Neolithic/Early Bronze Age Site at Newgrange, Co. Meath, Royal Irish Academy, 1987.

Glyn DANIEL and Jean ARNAL, Les monuments mégalithiques et la forme des tumuli en France et en Angleterre, Bulletin de la Société préhistorique de France, 1952.

Schwaller de Lubicz, Le Temple dans l’Homme, impr. Schindler, Le Caire, 1949.

Schwaller de Lubicz, Le roi de la théocratie pharaonique, Flammarion, collection Homo Sapiens, Paris, 1961.

Ireland and the Short Chronology – Part 12, sur Steemit.com